Quel est le sens dans la Bible de "chutes originelles" et le sens actuel ?

La Bible raconte de façon très imagée comment, au commencement, Dieu crée l’univers. Dans ce monde bien ordonné de Dieu, l’humanité occupe une place de choix. Les humains sont promis par Dieu à une vie de bonheur et d’abondance. En plaçant dans le jardin un interdit (l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais), Dieu donne aux humains la possibilité d’une transgression, gage de leur maturité et de leur liberté. Vous trouvez cet épisode très connu dans les chapitres 2 et 3 du livre de la Genèse dans la Bible. Vous connaissez certainement les protagonistes de ce récit fondateur : Adam, Eve, le serpent, l’arbre de la connaissance, le fruit défendu, etc. Malgré l’interdiction de Dieu, Adam et Eve se laissent séduire par le serpent qui leur promet qu’en consommant du fruit ils deviendront « comme Dieu ».

C’est cette désobéissance initiale à l’ordre de Dieu, cette volonté des humains de se faire les égaux de Dieu, que la théologie chrétienne appellent « la chute » ou « le péché originel ». Cet acte de révolte des humains contre leur créateur rompt l’ordre et l’harmonie que le créateur avait voulus et introduit dans le monde : suspicion, jalousie, haine, envie de meurtre. Le premier crime de l’humanité est commis par Caïn, fils d’Adam et Eve, contre son propre frère Abel (cet épisode est au chapitre 4 de la Genèse).

Comment sortir de cette coupure radicale entre les humains et leur créateur, génératrice de tant de malheurs ? 
La première partie de la Bible (la partie juive) explore la voie de l’obéissance. La transgression initiale doit être réparée par une obéissance de chaque instant aux directives données par Dieu dans tous les domaines de la vie : relations humaines, alimentation, lois sociales, etc. Il s’agit de remettre de l’ordre dans un monde qui tend à retourner vers le chaos.

La deuxième partie de la Bible (la partie chrétienne) fait le constat du caractère insatisfaisant de cette méthode. Il ne suffit pas de réformer le comportement humain seulement. Si l’intérieur n’est pas changé, il y a danger de comportements hypocrites qui ne font que sauver les apparences. Comme plusieurs prophètes de la Bible l’ont pressenti [1], il est indispensable de renouveler la personnalité profonde des humains en leur permettant de se réconcilier avec Dieu. Il faut rétablir le lien filial qui a été rompu avec Dieu depuis les origines. Les chrétiens considèrent qu’il est impossible aux hommes de faire eux-mêmes le chemin retour. C’est Dieu, qui en Jésus-Christ est venu parmi les hommes pour montrer qu’il ne nourrit aucune colère contre les humains mais qu’il leur tend la main tout simplement.

La « chute » ou le « péché originel » a donc amené Dieu à se révéler aux humains sous les traits de la bienveillance et du pardon. Il leur montre en Jésus-Christ que toute animosité est finie, que la haine « originelle » qui habite leur cœur peut être remplacé par un amour bien réel capable de transformer leur propre vie et de transformer le monde.

Le monde devient porteur d’une promesse : la fin du règne du mal et du mensonge, le début d’un règne d’amour et de paix. Ce que la Bible nomme quelquefois « le règne de Dieu ».

L’attachement à Dieu, de la part de ceux qui le découvrent après avoir été séparés de lui, n’est que plus fort. C’est ce qui a fait dire à certains théologiens chrétiens « Felix culpa » (en latin), bienheureuse chute qui nous permet de découvrir à quel point Dieu est pour les humains un père plein de bonté et de tendresse. 

[1] Voir par exemple Jérémie 31.33 ou Ézékiel 36.25-27.