Réactions des non-Juifs
1Quand il apprit cela, le roi impie entra dans une telle colère que, non content de s'en prendre aux Juifs d'Alexandrie, il s'emporta encore plus violemment contre ceux du pays ; il ordonna de tous les rassembler rapidement en un même lieu et de les mettre à mort de la façon la plus cruelle.
2Durant l'exécution de cet ordre, il se répandit des bruits hostiles contre le peuple ; des individus toujours prêts à nuire saisirent en effet l'occasion ainsi fournie pour prétendre que les Juifs les empêchaient d'obéir aux lois. 3Or ces derniers conservaient, envers les rois, bienveillance et fidélité inébranlable ; 4mais adorant Dieu et se conduisant selon sa Loi, ils se tenaient à part en ce qui concerne la nourriture et c'est pour cette raison qu'ils paraissaient odieux à quelques-uns. 5Leur comportement social étant empreint d'œuvres justes et bonnes, ils jouissaient pourtant de l'estime de tous. 6Le comportement irréprochable du peuple, partout ébruité, les étrangers n'en tenaient aucun compte, 7mais ils faisaient grand bruit des particularités touchant le culte et la nourriture ; ils affirmaient que les Juifs ne faisaient allégeance ni au roi ni aux forces armées, qu'ils leur étaient hostiles, en forte opposition envers l'Etat. Les reproches dont ils les chargeaient n'étaient pas sans conséquence.
8Les Grecs de la ville n'avaient subi aucun tort. Ils virent bien cette agitation inattendue et ce tumulte imprévu dirigés contre ces hommes, mais ils n'étaient pas assez forts pour leur porter secours, car c'était un régime tyrannique. Ils les réconfortaient, trouvaient la situation insupportable et pensaient qu'elle viendrait à changer, 9car il était impossible de fermer ainsi les yeux sur le sort d'une telle communauté innocente. 10Déjà certains voisins, amis et associés en recueillaient plusieurs secrètement, s'engageant à les protéger et à faire tout leur possible pour leur défense.
Décret sur l'arrestation des Juifs
11Mais le roi, enorgueilli par son succès récent et sans égard pour la puissance du Dieu Très-Grand, prit le parti de persévérer jusqu'au bout dans sa résolution et écrivit contre eux la lettre suivante : 12« Le roi Ptolémée Philopator aux stratèges et aux soldats qui sont en Egypte et en d'autres lieux, salut et santé ! 13Je me porte bien moi-même et nos affaires vont bien.
14Puisque notre campagne d'Asie, dont vous-mêmes êtes informés, a été menée à bonne fin, comme attendu, grâce à l'alliance délibérée des dieux, 15nous avons résolu de prendre soin des populations de Cœlésyrie et de Phénicie, non par la force des armes, mais avec mansuétude et une grande bonté, en leur faisant volontiers du bien. 16Après avoir attribué des revenus considérables aux temples des différentes villes, nous avons poursuivi et sommes monté à Jérusalem pour honorer le temple de ces scélérats qui ne renoncent jamais à leur folie. 17En paroles, ils firent bon accueil à notre venue, mais dans les faits ils n'étaient pas sincères ; lorsque nous eûmes le vif désir de pénétrer dans leur sanctuaire pour l'honorer d'offrandes remarquables et splendides, 18emportés par leur arrogance de toujours, ils nous en interdirent l'entrée, du fait que nous n'usions pas de notre puissance en raison de notre bienveillance envers tous les hommes. 19Montrant clairement leur malveillance à notre égard, ils sont absolument les seuls parmi tous les peuples à dresser fièrement la tête contre les rois et leurs propres bienfaiteurs et à ne vouloir supporter rien de sincère.
20Pour notre part, nous nous sommes accommodé de leur folie et, revenu victorieusement en Egypte, nous avons traité tous les peuples avec bienveillance, agissant comme il convenait ; 21en particulier, nous avons fait connaître à tous notre absence de ressentiment envers ceux de leur peuple. En considération des combats menés à nos côtés et des emplois innombrables, à eux généreusement confiés depuis fort longtemps, nous avons voulu hardiment changer leur condition, les juger dignes de la citoyenneté alexandrine et les faire à chaque fois participer à nos rites sacrés. 22Mais eux accueillirent cette décision en mauvaise part et repoussèrent le bienfait avec leur malignité naturelle. Continuellement tournés vers ce qui est vil, 23ils ne se contentèrent pas de rejeter cette inestimable citoyenneté. Ils témoignèrent aussi leur aversion, tant par leur silence que par des paroles, au petit nombre d'entre eux qui étaient bien disposés à notre égard ; ils s'imaginaient à chaque instant que, en raison de leur style de vie abominable, nous nous empresserions de changer notre politique.
24C'est pourquoi, bien convaincu par de telles preuves que ces individus sont de toute manière mal disposés à notre égard, et veillant d'avance à ce que, si des troubles venaient soudain à se produire, nous n'ayons pas ces impies pour nous trahir sur nos arrières – ces ennemis barbares ! –, 25nous avons ordonné ce qui suit.
Dès que cette lettre vous sera parvenue, vous devrez sur l'heure nous envoyer ceux qui habitent parmi vous avec femmes et enfants, sans leur épargner sévices et mauvais traitements. Envoyez-les après avoir lié tous leurs membres de chaînes de fer, en vue de l'exécution cruelle et infamante qui convient à des ennemis. 26Nous sommes en effet persuadé que, dès que ces individus auront reçu leur châtiment, les affaires du royaume seront alors parfaitement rétablies à notre avantage, dans la stabilité et d'excellentes conditions. 27Quiconque mettra à l'abri l'un des Juifs, du vieillard à l'enfant, et même au nourrisson, sera enchaîné au poteau, ainsi que tous ceux de sa maison, jusqu'à ce que mort s'ensuive dans les plus infâmes tourments. 28Celui qui voudra le dénoncer recevra les biens de l'inculpé, ainsi que deux mille drachmes d'argent du trésor royal, et sera récompensé de la liberté. 29De façon générale, tout lieu où l'on découvrira un Juif s'y abritant sera interdit d'accès et livré aux flammes ; pour tout être mortel, il ne pourra être d'aucun usage à tout jamais. »
30Ainsi était rédigé le texte de la lettre.