r.

résurrection, ressusciter

C’est assez tardet non sans débats que la croyance à la résurrection, entendue comme un retour des défunts à une vie corporelle (terme toutefois susceptible de multiples interprétations, cf. Mc 12.18ss//; 1Co 15.35ss), s’est constituée clairement dans la foi d’Israël. Au Iersiècle apr. J.-C. elle est toujours controversée.

 

Selon une représentation courante dans les textes de l’Ancien Testament,le séjour* des morts est un pays sans retour(2S 12.22s; Ps 49.20 ; 88.9; Jb 7.9s,21; 10.21; 14.7,10ss,18ss; 30.23; le Siracide* encore déconseille le deuil prolongé en disant [38.21]: « N’oublie pas, il n’y a pas de retour, tu ne seras d’aucune utilité au mort et tu te ferais du mal »). Il n’y a, semble-t-il, pas grand-chose à en attendre (cf. Jb 10.21s), et rien n’indique qu’on espère y rencontrer le Dieu des vivants(Es 38.10s,18; Ps 6.6; 30.10; 88.6,11ss; 115.17; cf. Mc 12.27//). Certes, on proclame souvent que Dieu peut délivrer du séjour des morts (Dt 32.39; 1S 2.6; cf. Es 38.17; Ps 9.14; 30.4; 71.20; 107.18s); mais le sens le plus naturel de cette affirmation est qu’il peut éviter (provisoirement) à quelqu’un de mourir, le maintenir (quelque temps) en vie sur la terre des vivants (Ps 27.13), et non qu’il va le ressusciter une fois mort. Dans cette perspective, en effet, toutes les morts ne se valent pas. Ce que l'on craint surtout, c'est de mourir prématurément, de maladie ou de mort violente (Es 38.10; Ps 102.24s; cf. Dt 4.26; Jr 17.11), sans héritier (Gn 15.2; cf. 16.1ss; 21.1ss; 30.1ss; 38.6ss; Dt 25.5ss; 1S 1.4ss; Jr 6.26; Am 8.10; Za 12.10) ou sans sépulture (2R 9.33ss; Es 14.18ss; 26.21). En revanche la Bible hébraïque renferme de nombreuses descriptions d’une « belle mort », terme naturel (c’est le sort commun à tous, Jos 23.14; 1R 2.2) d’une heureuse vieillesse, où le défunt, rassasié de jours,est paisiblement réuni aux siens(Gn 15.15; 25.8; 35.29; 49.29; Jg 8.32; Jb 42.17; 1Ch 29.28 ; cf. 2S 7.12; Es 65.20; Za 8.4).

 

Certes, en marge de la foi officielle (Lv 19.31; 20.6,27; Dt 18.11s), la croyance populairen’exclut pas que les morts puissent (re-)monterdu séjour des morts, notamment pour informer les vivants de ce qu’ils ignorent (1S 28; Es 8.19). Par ailleurs, la mort et la « résurrection » d’un dieu (Tammouz en Mésopotamie, Adonis en Syrie, Osiris en Egypte ou Baal* en Canaan; cf. Ez 8.14n; Os 6.2n; Za 12.11n), associées au cycle des saisons, faisaient partie de la mythologiede plusieurs voisins d’Israël, dont les rituels ont pu interférer avec le culte de YHWH. Cela pourrait expliquer en partie la réserve de l’ancien Israël à l’égard de la notion même de résurrection (noter l’ironie avec laquelle la « résurrection du troisième jour » semble envisagée en Os 6.1-4, à l’encontre des conceptions israélites influencées par les cultes cananéens). Après l’exil à Babylone, l’idée perse de la résurrection, associée au salutdes hommes et au triomphe de la lumièresur les ténèbres, a peut-être été mieux accueillie, bien que les conceptions juives s’en distinguent sur plus d’un point.

 

Quoi qu’il en soit des possibles influences extérieures, la doctrine de la résurrection s’accordait trop avec la logique profonde de la foi en un Dieu unique, créateurde toutes choses, pour ne pas être finalement adoptée par le judaïsme (cf. Rm 4.17). En effet, un monothéisme strict et conséquent pouvait difficilement s’accommoder, à terme, de voir la mort poser une limite absolue et irréversible à la puissance de Dieu. Il fallait d’une façon ou d’une autre affirmer la souveraineté de Dieu sur la mort (Es 7.11n; Am 9.2s; Ps 135.6; 139.8,11ss; Jb 12.22; 26.6; 34.22; 38.17 ; Pr 15.11).

 

Dans l’Ancien Testament, les cycles d’Elieet d’Eliséeavaient mis en récit des réanimations miraculeuses authentifiantle ministère des prophètes (1R 17.17-24; 2R 4.32-37; 13.20-21), réanimations qui ne sont pas sans analogie avec les résurrections réalisées par Jésus (voir « Elie et Elisée », p. {000Xeliesee}; « Les résurrections dans la Bible », p. 1294).

 

En vision, Ezéchiel(chap. 37) avait contemplé une résurrection de masse, décrite à la façon d'une nouvelle création (cf. Gn 2.6s; Ps 104.29; voir aussi Ps 139.13ss; Ec 11.5). Cette vision était destinée à illustrerun retournement de situation historique(v. 11ss) apparemment impossible (v. 2ss; le temps qui s’est écoulé depuis la mort distingue explicitement cette situation des réanimations opérées par Elie et Elisée), à savoir le rétablissement de l’Israël abattu par la prise de Jérusalem en 587/6 av. J.-C. et l’exil (voir encadré « L’Exil et la Bible », p. 524).

 

Un verset d’Esaïe(26.19), plus ambigu (cf. v. 14), pourrait être compris dans un sens historique analogue, mais on y a aussi vu une annonce de résurrection collective au sens propre du terme (cf. v. 15; 25.7s; Ps 80.19; 85.6s).

 

Job, quant à lui, semble envisager l’idée de résurrection à la fois comme une impossibilité pratique (14.7-12; cf. 7.9; 10.21; 16.22) et comme une ultime possibilité théorique de justificationpar-delà la réalité présente, qui lui paraît sans issue (14.13-15; 19.25-29). C’est dans une perspective analogue, celle de la réhabilitation du juste souffrant, qu’on peut comprendre les paroles d’Esaïe 52.13—53.12sur l’élévationdu serviteur de YHWH après sa mort (53.11s).

 

Jusqu’ici, au moins, le vocabulaire de la résurrection est employé pour donner un sens au sort du juste, ou plus généralement à l'histoire du peuple de YHWH. On ne se préoccupe guère de l'avenir des autres. La même intention fondamentale se retrouve chez Daniel, qui se distingue cependant en annonçant, au terme de l’histoire,une résurrection qu’il associe à ce qu’on peut déjà appeler un jugement dernier, de portée universelle: Une multitude, qui dort au pays de la poussière, se réveillera — les uns pour la vie éternelle et les autres pour le déshonneur, pour une horreur éternelle(Dn 12.2). Mais la formulation est ambiguë, et on pourrait aussi bien comprendre que la multitude vraiment « ressuscitée » se compose des seuls justes (v. 3), les autres étant simplement abandonnés, par contraste, à l'abjection éternelle. Notons enfin que la résurrection de la multitude se double d’une élévationcéleste (comme des étoiles) pour ceux qui l’ont amenée à la justice (v. 3; cf. 11.33ss).

 

La résurrection, et les possibilités de justification et de récompense qu'elle ouvre au-delà des limites de l’existence individuelle, sont rendues particulièrement nécessaires par l’expérience du martyre: cette mort-là au moins, se dit-on, doit avoir un sens et un lendemain. Or les martyrs seront nombreux sous les différentes dominations étrangères qui se succèdent dans le pays d’Israël depuis l’époque perse jusqu’à l’Empire romain. D’où l’importance que la résurrection prend dans la littérature dite « intertestamentaire », qui voit le jour dans les derniers siècles avant J.-C. La persécution survenue au IIesiècle av. J.-C., sous le roi gréco-syrien Antiochos IV Epiphane, est particulièrement marquante; il n’est pas étonnant que la résurrection occupe une place de choix dans le second livre des Maccabées*, qui constitue une réflexion a posteriori sur les événements de cette époque. On retrouve en particulier la confession de la résurrection dans les déclarations des sept frères martyrs et de leur mère, au chapitre 7: (v. 9 : « Tu nous exclus de la vie présente, mais le roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle »; v. 11 : « C’est du ciel que je tiens ces membres, à cause de ses lois je les méprise, et c’est de lui que j’espère les recouvrer »; v. 14 : « Mieux vaut mourir de la main des hommes en attendant, selon les promesses faites par Dieu, d’être ressuscité par lui, car pour toi il n’y aura pas de résurrection à la vie »; v. 23 : « Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé l’homme à sa naissance et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que vous vous sacrifiez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois »; v. 29 : « Accepte la mort, afin que je te retrouve avec tes frères au temps de la miséricorde »; v. 36 : « Nos frères, après avoir enduré maintenant une douleur passagère en vue d’une vie intarissable, sont tombés pour l’alliance de Dieu »; cf. encore 14.46 : « Il s’arracha les entrailles et... pria le Maître de la vie et de l’esprit de les lui rendre un jour »). En outre le sacrifice que Judas Maccabée présente pour les fidèles morts au combat (2 Maccabées12.43ss) est explicitement justifié par « la pensée de la résurrection » (cf. 1Co 15.29n).

 

La même préoccupation est présente dans le livre de la Sagesse*(chap. 2 à 4), qui pourtant préfère au thème de la résurrection du juste martyr à la fin des temps (?) celui de son élévation immédiate (thème également repérable dans certains textes de l’Ancien Testament, cf. le cas d’Hénoch en Gn 5.24 ou d’Elie en 2R 2.1-18; celui de Moïse en est souvent rapproché, cf. Dt 34.6s; Mc 9.4; voir aussi Es 53.9; Ps 49.16; 73.24). Cela tient sans doute au fait que cet ouvrage est plus marqué par la notion grecque d’immortalité — notion qui pourra aussi être lue rétrospectivement dans des affirmations poétiques de la Bible, comme celles de Ps 16.11; 17.15; 21.5; 27.13; 30.13. On retrouve les mêmes tendances dans 4 Maccabées*où c’est « par le feu » même que le martyr est « transformé pour la vie impérissable » (9.21), ou dans les Jubilés* (23.31) où l’on peut lire : « Leurs os reposeront en terre, mais leurs esprits auront une grande joie, et ils sauront que c’est le Seigneur qui a exercé le jugement. »

 

A partir de Daniel, c'est surtout à la littérature apocalyptique (voir l’introduction à Daniel, p. 1092), qui connaît un développement considérable jusqu’au Iersiècle apr. J.-C., que la résurrection doit d'être érigée en croyance. La foi en une résurrection des seuls justes est longtemps dominante (1 Hénoch*51.1: « La terre rendra son dépôt, le Shéol [= séjour* des morts] rendra ce qu’il a reçu, la Perdition rendra ce qu’elle doit. » 92.3ss: « Le juste se lèvera de son sommeil... ils marcheront dans la lumière éternelle. Mais le péché disparaîtra dans les ténèbres, pour toujours, et on ne le verra plus. » Testament* de Juda 25.1,4 : « Abraham, Isaac et Jacob se lèveront pour revivre... Ceux qui seront morts dans la tristesse se relèveront dans la joie; ceux qui auront été pauvres à cause du Seigneur seront enrichis, et ceux qui auront péri à cause du Seigneur se réveilleront pour vivre. » Psaumes de Salomon* 3.11s: « La perdition du pécheur est éternelle. Dieu ne se souviendra pas de lui quand il visitera les justes. Tel est le lot des pécheurs pour l’éternité. Mais ceux qui craignent le Seigneur ressusciteront pour la vie éternelle, et leur vie, dans la lumière du Seigneur, n’aura pas de fin. » 2 Baruch*42.7 : « La corruption prendra ceux qui lui appartiennent, et la vie, ceux qui lui appartiennent. La poussière sera appelée et on lui dira: ‘‘Rends ce qui ne t’appartient pas et présente tout ce que tu as gardé pour son temps.’’ »). Mais la conception d’une résurrection généralela concurrence de plus en plus (Testament* de Benjamin10.8: « Alors, tous ressusciteront, les uns pour la gloire, les autres pour le déshonneur »; 4 Esdras*7.32 : « La terre rendra ceux qui dorment dans son sein, la poussière, ceux qui y reposent et les demeures rendront les âmes qui leur ont été confiées »). On remarque dans tous ces textes la prépondérance du souci juridique de la rétribution: la résurrection fait la différence entre les justes* et les méchants, soit en ce que ces derniers ne seront pas ressuscités, soit parce que leur résurrection débouchera sur un châtiment.

 

Le vocabulaire hébreu employé par les textes évoqués jusqu'ici comporte plusieurs racines et associe plusieurs métaphores. Ainsi le mort « ressuscité », au propre ou au figuré, revient ou est ramené (shouv) à la vie (expression analogue en Lm 1.11,16,19 pour ranimerquelqu’un qui n’est pas mort, c’est-à-dire pour lui redonner des forces et lui éviter de mourir); il est rendu vivant (haya; Dieu fait vivre comme il fait mourir, 1S 2.6). Mais il est aussi réveillé (qouts) ou relevé (qoum), pour autant que la mort est assimilée à un sommeil (Ps 13.4; Jr 51.39,57; cf. Mt 27.52; 1Co 15.20).

 

Les mêmes images se retrouveront dans le grecde la Septante(LXX*), puis du Nouveau Testament. Deux familles de termes, quasi synonymes, fournissent l'essentiel du vocabulaire grec de la résurrection, plus technique que l'hébreu dans la mesure où la croyance s'est définie entre-temps: 1°) celle du verbe anistèmi (Ac 2.24n; 1Th 4.14n), qui signifie habituellement (se) lever et qui, en contexte de résurrection, est traduit par (se) relever;c'est de lui qu'est dérivé le substantif rendu par résurrection, anastasis;2°) égeiro (Ac 3.15n), plus fréquent en emploi verbal, notamment chez Paul: il peut également signifier « (se) (re-)lever », mais aussi, plus spécifiquement, « (s’)éveiller » ou « (se) réveiller » (cf. Mc 5.39ss//; 1Co 15.20,44; Ep 5.14). A côté de ces termes consacrés on trouve des formulations plus libres, notamment des dérivés du verbe zao, vivre, d'où reprendre vie, être vivant, être rendu à la vie ou rendu vivant (Jn 5.21; Rm 4.17; 8.11; 14.9; 1Co 15.22; 2Co 13.4; Hé 7.24s; 1P 3.18; Ap 1.18).

 

Ainsi les affirmations du Nouveau Testament sur la résurrection sont à situer dans un contexte où cette doctrine est devenue, sinon un bien commun du judaïsme (les sadducéens* au moins la rejettent), du moins une option très répandue: non seulement les pharisiens*, proches du peuple et de ses croyances, y adhèrent, mais il est probable qu'elle a gagné une partie au moins des milieux essénien (voir Qumrân*) et samaritain*. La résurrection de Jésus-Christ, en dépit de son caractère fondateur pour le christianisme et de tout ce qui la rend unique, peut dès lors être décrite comme un cas particulier d’une vérité générale: Dieu ressuscite les morts (Ac 4.2; 1Co 15.12ss). Il importe donc de savoir comment le Nouveau Testament reçoit globalement la doctrine de la résurrection pour comprendre comment il l’applique à ce qui constitue son principal centre d'intérêt: le devenir du Crucifié et des siens.

 

Dans les évangiles synoptiques*, une discussion oppose Jésus et les sadducéens au sujet de la résurrection (Mc 12.18ss//). L’argument scripturaire en faveur de celle-ci — tiré, comme il convient face aux sadducéens*, de la Torah et non d’un passage plus explicite comme Dn 12 — tient à l’affirmation de la permanence du lien entre Dieu et ses fidèles, que la mort ne saurait détruire et qui subsiste d'une génération à l'autre (Abraham, Isaac, Jacob et Moïse; noter l’explicitation de Lc 20.38: pour lui tous sont vivants). Relevons cependant qu’en comparant les ressuscités aux anges* (Mc 12.25//), les évangiles s’opposent à une conception par trop « réaliste », ou matérielle, de la résurrection.

 

Si certains textes du Nouveau Testament supposent la résurrection universelle(Jn 5.28s; Ac 24.15; cf. Ap 20), d'autres parlent d’une résurrection des justes (Lc 14.14), et de ceux qui sont dignes d’accéder... à la résurrection d’entre les morts (Lc 20.35; cf. Ph 3.11). La résurrection est naturellement associée à la fin des temps, ou plus précisément au passage de ce monde-ci au monde à venir, selon la conception pharisienne (Mt 12.32n; en Lc 20.35 ce monde-là et la résurrection sont mis en parallèle; voir aussi Mt 11.3-5//; 27.51ss; Ac 17.31; 1Co 15.26; 1Th 4.13ss; Ap 20).

 

Paul, de formation pharisienne, attachait beaucoup d’importance à la résurrection, ce qui ressort de ses épîtres (Rm 1.4; 4.17; 6.5,8; 8.11; 1Co 6.14; 15; 2Co 1.9; 4.14; 13.4; Ph 3.10s) mais aussi des discours rapportés par le livre des Actes (17.18,32; 23.6s; 24.15,21; 26.23; 28.20). S'il s'intéresse avant tout à l'interprétation de la résurrection de Jésus-Christ, il peut aussi parler de résurrection d’une façon plus générale.

 

En 1 Thessaloniciens 4.13ss, Paul réconforte ses interlocuteurs endeuillés en leur annonçant que la résurrection des premiers chrétiens décédés précédera « l’enlèvement » des vivants — dont il compte bien faire partie — lors de la venue finale du Christ ressuscité. Son intention est moins de construire un scénario précis de la fin des temps que de rassurer les destinataires de sa lettre: tous les croyants, vivants ou morts, seront conjointement réunis à leur Seigneur.

 

En 1 Corinthiens 15, Paul veut défendre la doctrine même de la résurrection des morts contre une pensée qui, dans l’Eglise, tend à la considérer comme superflue — soit à cause de la croyance hellénistique en l’immortalité de l’âme (cf. Ac 17.32), soit par suite d'un enthousiasme pour la seule « résurrection » présente que constitue l’expérience chrétienne (voir ci-dessous; comparer 1Co 4.8 et 15.34; dans cette hypothèse on aurait déjà là une attitude comparable à celle qui est condamnée plus tard en 2Tm 2.17s, dans une formulation qui n'est contraire qu'en apparence: la résurrection a déjà eu lieu). Pour l’apôtre, en tout cas, la résurrection des morts est une condition sine qua non de la foi chrétienne (1Co 15.12ss), et il lui importe de la rendre crédible. D’où les questions auxquelles il s’affronte aux v. 35ss (comment? avec quel corps?), en s'efforçant d'expliquer, par des analogies tirées de la nature (le grain semé en terre, cf. Jn 12.24; les corps célestes, cf. Dn 12.3), quelle est dans la résurrection la part de l'identité (celui qui ressuscite est bien celui qui est mort) et de la différence (le corps qui ressuscite n'est pas le corps qui meurt).

 

Si Paul affirme qu’il n’y a pas de foi chrétienne sans croyance — logiquement préalable — à la résurrection, il fonde plus souvent cette croyance même de façon spécifiquement chrétienne: c’est parce que Jésus est ressuscitéque les croyants peuvent espérer la résurrection (1Co 15.20ss; 1Th 4.14; cf. Rm 5.10; 6.4s,8; 8.11,29; 1Co 6.14; 2Co 4.8ss,14; 5.1ss; Ph 3.9-11,20s). C'est d'ailleurs d'une théologie analogue que témoignent de nombreux textes du Nouveau Testament, comme le récit insolite de Mt 27.51-53, ainsi que divers titres attribués au Christ, comme pionnier de la vie(Ac 3.15) ou premier-né d'entre les morts(Col 1.18; Ap 1.5).

 

Dans le même temps, chez Paul la résurrection dépasse le statut de simple croyance relative à l’au-delà de la mort ou à la fin des temps: elle devient dans une large mesure une réalité présente, tout à la fois spirituelle et éthique (noter en particulier Rm 6.4; 8.11; 1Th 5.10; cf. Ep 2.6; 5.14; Col 2.12; 3.1ss; 1P 2.24), à tel point qu’il devient souvent difficile de distinguer ce qui se rapporte à l’expérience présente des chrétiens vivants et à leur vision de leur avenir post mortem: 2Tm 2.17s et peut-être déjà 1Co 15 (voir ci-dessus) réagissent contre une conséquence inattendue de cette actualisation, où la « résurrection » des vivants finit par occulter celle des morts. On observe encore plus nettement la même tendance dans l’Evangile selon Jean: si l’on professe la foi commune à la résurrection, au dernier jour (Jn 11.24; cf. 5.28s; 6.39s,44,54), c’est surtout pour mieux faire percevoir la réalité d'une vie éternelle (3.15+) mystérieusement présente (5.25; 11.25s). On peut supposer une distinction en partie analogue dans l’opposition d’une première résurrection et d’une seconde, générale, en Ap 20.4s,11ss.

 

La résurrection de Jésus est présupposée par l'ensemble du Nouveau Testament (1Co 15.12ss, en disant qu'elle n'a pas pu avoir lieu s'il n'y a pas de résurrection, est l'exception qui confirme la règle: d'un point de vue chrétien c'est un raisonnement par l'absurde). Elle fait partie du credo que Paul a reçu en devenant chrétien (1Co 15.1ss constitue l’une des plus anciennes attestations écrites de cette confession de foi; voir aussi Rm 10.9). Cette résurrection, comme l'ensemble des événements de la Passion, est considérée comme un accomplissement des Ecritures (cf. 1Co 15.3s; Lc 24.27), sans qu'il soit toujours précisé quel texte de l’Ancien Testament elle réalise (cf. Ac 2.25ss; 13.33ss). Elle est au centre des discours apostoliques du livre des Actes où elle apparaît comme une nécessité (Ac 2.24ss : Dieu l'a relevé... parce qu'il n'était pas possible qu'il soit retenu par la mort; 3.15ss et 4.10ss; 5.30ss; 10.40ss; 13.30ss). Dans les évangiles, Jésus lui-même l’annonce (Mc 8.31//; 9.31//; 10.33s//).

 

Mais, simultanément, d'autres formules sont employées pour décrire le sort de Jésus après sa mort. Il a été élevé (Ac 2.33; 5.31; Ph 2.9; voir aussi Jn 3.14; 8.28; 12.32ss) ou enlevé (au ciel) (Ac 1.2,11,22; cf. Mc 16.19; Lc 24.51; 1Tm 3.16), glorifié (Ac 3.13; cf. Lc 24.26; Jn 7.39; 12.16,23; 13.31s; 17.1,5; 1Tm 3.16), il s'est assis à la droite de Dieu (Ac 2.33n; 5.31; cf. 7.56; Rm 8.34; Ep 1.19ss; Hé 1.3ss, qui parle aussi d’accomplissement), il est le Fils* de l’homme qui vient(Mc 8.38; 13.26; 14.62//) ou qui monte au ciel (Jn 3.13; 6.62).

 

La résurrection, portée par la parole des apôtres, justifieJésus au lieu même où sa mort infamante le stigmatisait comme un transgresseur de la loi juive et/ou romaine. Par elle Jésus est institué Fils de Dieu (Rm 1.4; cf. Ac 13.30,33; voir aussi 2Tm 2.8) et Seigneur (Rm 10.9; Ph 2.9ss; cf. Ac 2.36). Supposant aussi bien sa descente dans la mort que son élévation subséquente (Ep 4.8ss; cf. Jn 3.13; 20.17; Rm 10.6ss; Hé 4.14; 1P 3.18ss), elle justifie du même coup ceux qui se reconnaissent en lui (Rm 4.25; cf. Es 53.11), tout en les engageant à un changement de vie, pour autant qu’elle fait de lui le juge des vivants et des morts (Ac 10.42; cf. Ac 17.30s; Rm 14.9; 1P 4.5).

 

Dès les premières confessions de la foi chrétienne, la résurrection est associée au troisième jour (1Co 15.4; cf. Mc 8.31//; voir aussi 14.58// ; Ac 10.40). Si le trait rappelle inévitablement Os 6.2, malgré le caractère polémique de ce passage dans son contexte originel (voir plus haut), il ne faut pas forcément y voir une allusion précise à ce texte. D’une part la formule, en effet, peut aussi être comprise au sens chronologique assez vague de « peu de temps après » (Lc 13.32s; cf. Jn 7.33; 16.16ss). D’autre part, selon des sources rabbiniques (ainsi Midrash Rabba, commentaire de Gn 22.4), elle peut avoir une portée symbolique, comme synonyme de « jour du salut ».

 

Le récit du tombeau vide qui conclut les évangiles et qui, dans un premier temps, suscite davantage la perplexité des disciples qu’un cri de triomphe (Mc 16.1ss//; Jn 20.1ss; cf. Lc 24.12), est présupposé par l’opposition du cas de Jésus à celui de David, dont on connaît la sépulture (Ac 2.29ss; 13.35ss). L’interprétation de l’événement donne d’ailleurs lieu à une controverse entre juifs et chrétiens en Mt 27.62ss; 28.11ss; ce dernier texte sera considérablement développé dans l’Evangile de Pierre*qui, le premier, se risquera à une description de la résurrection du Christ, chose que les évangiles canoniques évitent soigneusement.

 

Entre la résurrection de Jésus-Christ et le Nouveau Testament, un chaînon essentiel: Jésus est apparu (litt. « il a été vu ») après sa mort, en divers lieux (comparer Mc 14.28; 16.7 avec Lc 24.49; Ac 1.4), à plusieurs figures fondatrices du christianisme primitif (1Co 15.5ss; cf. Ac 10.40s; voir aussi « Les apparitions du Ressuscité », p. {0000Xapparition}). Plusieurs années après la mort de Jésus, Paul peut encore se déclarer témoin de la résurrection du Christ, au même titre que les premiers apôtres*, grâce à une telle apparition; c'est ce qui justifie sa mission (1Co 15.8; cf. Ac 9.4s; 1Co 9.1; Ga 1.16; Ph 3.12). D'où l'importance des récits qui, à la fin des évangiles de Matthieu, de Luc et de Jean, puis dans la reprise de Mc 16.9nss, font suite à la découverte du tombeau vide: la plupart des personnages importants pour le christianisme primitif s’y pressent, dans un ordre et avec des conclusions diverses (le thème de l’incrédulité revient souvent, Mt 28.17; Mc 16.11,13s; Lc 24.11,25,41; Jn 20.24ss). Si ces textes fournissent des scènes de reconnaissance identifiant formellement le Christ ressuscité à Jésus crucifié, malgré une mort que la résurrection n'efface pas (Lc 24.36-43; Jn 20.17,25ss; 21.5s,9s,13; cf. Ac 10.41; 1Jn 1.1), ils authentifient aussi la mission des témoins (Mt 28.16ss; Lc 24.34; Jn 20.21; Ac 10.42). En tout état de cause, les disciples sont les seuls bénéficiaires immédiats de ces apparitions (Ac 10.41), qui n’assènent pas directement une « preuve » de la résurrection à ceux du dehors.

 

La fonction des apparitions lors de la fondation de l'Eglise est à rapprocher de celle, permanente, de l'Esprit*, qui est aussi associé, de multiples manières, à la résurrection du Christ (Jn 20.22s; Rm 1.4; 8.11; cf. Ac 2). Selon 1Co 15.44s, si le corps ressuscité est un corps spirituel, c'est parce que Jésus lui-même, en tant que dernier Adam(c.-à-d. fondateur d'une humanité accomplie et renouvelée), est devenu un esprit qui fait vivre (cf. 1P 3.18). Voir aussi « L’interprétation de la mort-et-résurrection de Jésus dans le Nouveau Testament », p. 1327.

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