H.

Hérode

La maison des Hérode domina le paysage politique d’Israël pendant près d’un siècle. L’arbre généalogique simplifié présenté ci-après permet de constater que dix princes de cette lignée sont mentionnés par le Nouveau Testament. Cinq d’entre eux au moins (six en comptant Archélaos) portent le nom d’Hérode.

 

1. Hérode le Grand

Il était originaire d’Idumée (il ne s’agit pas, comme dans LXX*, du territoire de l’ancien Edom mais de la partie sud de Juda, depuis Hébron jusqu’à Bersabée, aujourd’hui Beer-Sheva). Il appartenait à une importante famille de militaires attachés au service des princes hasmonéens (voir Maccabées*, Hasmonéens) depuis deux générations. Ainsi son grand-père, Antipater, était-il déjà stratège ou gouverneur d’Idumée sous Alexandre Jannée. Son père, Antipater II, le conseiller militaire et l’homme-lige du faible Hyrcan II, sut gagner la faveur de César qui fit de lui le procurateur de la Judée. Rien d’étonnant, dès lors, que trois de ses fils aient occupé de hautes fonctions militaires ou civiles: dès 42 av. J.-C. Phasaël et Hérodesont respectivement stratèges de Jérusalem et de Galilée, tandis que Phéroras est tétrarque de Pérée. En 37 av. J.-C., Hérode lui-même assiéra sa royauté en s’alliant à la dynastie hasmonéenne par son mariage avec Mariamne I, la petite-fille du roi-prêtre Hyrcan II.

 

Pour autant la légitimité des Hérode a toujours été plus ou moins contestée en Judée; on leur reprochait de n’être qu’à moitié juifs du fait de leur origine iduméenne. Effectivement, à partir de l’exil (voir encadrés p. 505 et 524), le sud du territoire de Juda avait été infiltré par des populations qui n’avaient aucun lien avec la foi ancestrale d’Israël (cf. Ez 25.12n). Un texte ancien attribué au grammairien Ptolémée d’Ascalon note: « Les Iduméens ne sont pas des Juifs, mais des Phéniciens et des Syriens.  » On voit souvent en eux des descendants des Edomites (d’où leur nom) qui, après l’exil de Juda, avaient été repoussés vers l’ouest par les Nabatéens, à moins qu’il ne s’agisse de populations arabes apparentées aux Nabatéens. Quoi qu’il en soit, l’histoire se souvient que Jean Hyrcan, au temps de la conquête de son royaume (en 129 av. J.-C.), fit circoncire les Iduméens et leur imposa l’observance de la Torah, les intégrant ainsi au royaume hasmonéen de Juda et à la communauté juive.

 

Pour rattraper ce handicap, Hérode bénéficia tout d’abord de la protection d’Antoine. Celui-ci renouvela pour les Juifs les privilèges déjà accordés par César (assassiné en 42 av. J.-C.), qui faisaient du pays des Juifs un glacis protecteur aux frontières de l’Empire, susceptible de fournir en cas de besoin des troupes auxiliaires. Hérode, cependant, eut d’abord des démêlés avec les Parthes qui s’allièrent contre lui avec Antigonos, le prétendant légitime de la moribonde dynastie hasmonéenne. En 40 av. J.-C., celui-ci fut promu roi par les Parthes. Hérode, qui refusait de s’incliner, dut s’enfuir de Jérusalem. Après un victorieux combat d’arrière-garde, à Teqoa, où il édifiera un jour l’Hérodion, l’étonnant château qui lui servira en fin de compte de sépulture, il rejoignit Massada où il laissa les siens sous la garde de son frère Joseph. A gué il passa la mer Morte, pensa rejoindre Pétra, capitale de la Nabatène, mais apprit que le roi Malchus ne lui apporterait pas l’appui souhaité. Il prit alors la direction d’Alexandrie et de là vogua vers Rome pour obtenir des secours. Il rencontra Antoine et fut présenté au Sénat. En reconnaissance pour les services déjà rendus à Rome par son père, Hérode se vit adjuger, toujours en 40, le titre de roi de Judée, de Galilée et de Pérée, en lieu et place d’Antigonos le félon, allié désormais avec l’ennemi parthe. A Hérode désormais de conquérir et de pacifier ce royaume octroyé. Débarqué à Ptolémaïs en 39, il reprend Joppé puis Massada. L’année suivante, en Galilée, il s’empare de Séphoris et réduit le maquis d’Arbélès. En 37 enfin, il prend Jérusalem, se débarrasse d’Antigonos et remodèle le sanhédrin à sa convenance.

 

Au printemps de l’an 30, Hérode se rend à Rhodes pour négocier avec Octave, le récent vainqueur d’Antoine à la bataille navale d’Actium (31 av. J.-C.). Par un miracle de diplomatie, Hérode parvient, lui, l’ancien allié d’Antoine, à se concilier la faveur de son rival juré, le triumvir Octave qui va bientôt devenir l’empereur Auguste. L’entente entre Octave et Hérode sera définitive: Octave confirma Hérode comme roi des Juifs et, par la suite, il ne lui mesura jamais son estime ni son appui. Par exemple, il semble établi qu’Hérode n’a jamais eu à verser un tribut à Rome. Cette pratique n’intervint qu’après la déposition d’Archélaos et fit passablement de bruit. Elle fut sans doute mise en place par Quirinius,devenu gouverneur de Judée en l’an 6 apr. J.-C. (Lc 2.2n).

 

Pour asseoir sa légitimité, Hérode n’hésita pas à liquider physiquement ses adversaires: on parle de quarante-cinq meurtres politiques perpétrés dans la noblesse jérusalémite dès son arrivée au pouvoir. Cette fureur vengeresse s’étendit jusqu’au sein de sa belle-famille hasmonéenne: Hyrcan II le grand-père de sa femme, Aristobule III son beau-frère devenu un grand prêtre encombrant, Mariamne son épouse préférée et Salomé Alexandra sa belle-mère connurent le même sort, sans oublier ses trois fils Antipater, Alexandre et Aristobule (cf. Mt 2.16).

 

Se considérant comme un nouveau Salomon, Hérode fut un grand bâtisseur. Comme tous les souverains de la contrée, il sut mettre à profit la prospérité engendrée par la paix romaine. On sait qu'il agrandit considérablement le templede Jérusalem ainsi que le caveau des patriarches à Makpéla (Hébron). A Jérusalem, après avoir remplacé le château (baris) hasmonéen par la forteresse Antonia pour faire honneur à Antoine, son nouveau maître, il édifia encore à l’emplacement de la citadelle son propre palais-forteresse, dont subsiste aujourd’hui la tour dite «de David ». Non loin de là, il ajouta un théâtre et un hippodrome. Autant pour assurer sa propre sécurité que pour garantir le pays contre les incursions extérieures, il modernisa de nombreux palais et forteresses: outre l’Hérodion, près de Bethléem, et Cyprus, à Jéricho, qui sont entièrement son œuvre, il améliora Machéronte (Callirhoé) et Massada sur la mer Morte, il restaura l’Hyrcania, derrière Béthanie, et l’Alexandrion aux confins de la Samarie. Dans les villes non juives de son royaume, il construisit de nombreux temples, spécialement dédiés à César. Il reconstruisit Samarie-Sébaste, qu'il dédia à Auguste (en grec Sébastos). Au lieu dit la tour de Straton, il bâtit Césarée, une magnifique préfecture et un port doté d’un brise-lame colossal, fait de l’entassement d’énormes monolithes, et s’étendant sur plus de 60 mètres. Il intervint aussi comme constructeur au-delà des frontières de son royaume: ainsi Rhodes, Nicopolis, Antioche, Chios, Ascalon, Tyr, Sidon, Tripoli, Ptolémaïs et Damas ont-elles été marquées de son génie bâtisseur. Pour le barbare qu'il ne cessa jamais d’être, ce fut une sorte de défi: s’administrer la preuve d’avoir assimilé la culture hellénistique au point d’en être devenu l’un des principaux champions. Il y a pleinement réussi.

 

Réalité, ou cliché littéraire, ses biographes le décrivent, en 4 av. J.-C., agonisant dans d’horribles douleurs d’entrailles. Jusqu’au dernier moment toutefois, il voulut faire preuve de munificence et, pour être quand même regretté, il décida d’une gratification de cinquante drachmes qui serait versée à tous ses soldats. Les maigres trésors trouvés à Qumrân proviennent pour une part, pense-t-on, de ce dernier geste de grand seigneur. A la fois haï et admiré, Hérode le Grand reste, au plan politique, le personnage essentiel à la charnière de l’histoire biblique.

 

 

2. Archélaos

Parfois appelé Hérode Archélaos, il est fils d’Hérode le Grand et de son épouse samaritaine Malthakè. En vertu du testament d’Hérode, il portait le titre de roi depuis l’an 2 apr. J.-C. Venu à Rome demander la ratification de ses pouvoirs (cf. Lc 19.12n), il ne se vit confier que le titre d’ethnarque d’Idumée, de Judée et de Samarie, soit sensiblement la moitié des territoires autrefois échus à son père. Son administration dura dix ans: de 4 av. J.-C. à 6 apr. J.-C. Héritier de tous les défauts d’Hérode, mais non de ses qualités, il fut rapidement mis en difficulté en raison de sa cruauté outrancière (cf. Mt 2.22n). Dès son arrivée au pouvoir il réprima une émeute, faisant 3000 victimes.

 

Le peuple a probablement aussi porté sur son compte les 2000 crucifixions effectuées par Varus, le légat de Syrie, venu « apaiser » la situation. Plusieurs séditions se produisirent sous son règne: celle de Judas de Gamala, à Sephoris en Galilée, celle de Simon en Pérée, celle du berger Athrongès et celle du pseudo-Hasmonéen de Sidon en Phénicie, qui se prétendait fils de Mariamne, rescapé d’un massacre ordonné par Hérode le Grand. Plusieurs délégations de Judéens et de Samaritains se rendirent à Rome pour demander à l’empereur sa destitution. Finalement Auguste sanctionna Archélaos pour mauvaise administration et le condamna au bannissement. Cet exil eut lieu en l’an 6, en Gaule, à Vienne, près de Lyon, où ce prince acheva ses jours.

 

 

3. Hérode Antipas

Il est également fils d’Hérode et de Malthakè, donc frère d’Archélaos. De 4 av. J.-C. à 38 apr. J.C., il est tétrarque de Pérée et de Galilée. Habile politique à l’instar de son père, il s’empressa de fortifier les frontières contre les incursions nabatéennes. Par souci diplomatique, il épousa la fille d’Arétas, le roi des Arabes nabatéens. Pour faire éclater sa magnificence et son goût pour la culture hellénistique, il construisit la ville de Tibériade, dédiée à l’empereur, sur un site qui semblait le mieux choisi de toute la contrée. Malheureusement, les travaux mirent au jour d’anciens cimetières, ce qui rendait le lieu rituellement impur. Du coup aucun Juif ne voulut y habiter et Antipas fut contraint d’y attirer des aventuriers et des étrangers de toutes sortes. Soucieux de sa popularité, vers l’an 32, avec trois de ses frères il adressa une requête à ce même Tibère pour qu'il fît enlever du temple de Jérusalem un bouclier votif que Pilate y avait apposé, et qui offensait la foi juive.

 

Lors d’un voyage à Rome, il descendit chez son demi-frère Hérode Philippe Ier, qui avait épousé sa propre nièce Hérodiade, la fille d’Aristobule. Immédiatement Antipas s’éprit de cette jeune belle-sœur, et fit des plans pour divorcer et l’épouser. Par ambition elle y consentit. Pourtant l’affaire ne se conclut pas immédiatement. En effet, l’épouse légitime d’Antipas, la fille d’Arétas, roi de Pétra, eut vent de ce projet et en informa son père. Les relations entre Arétas et Hérode Antipas se refroidirent définitivement. Ce fut en ce temps-là qu’Antipas, redoutant le messianisme de Jean le Baptiseur, le fit emprisonner et exécuter à Machéronte. Dans la logique de l’administration romaine, le messianisme est toujours politique et donc toujours menace de sédition: on exécute régulièrement les fauteurs de trouble.

 

La narration évangélique laisse cependant entendre que Jean le Baptiseur demeura en prison un certain temps, ce qui témoignerait de l’indécision d’Antipas. La décision aura été précipitée par le comportement d’Hérodiade (cf. Mt 14.3-4; Mc 6.17-18; Lc 3.19-20). Pris de remords, lorsqu’il entendit parler de Jésus, Hérode Antipas crut que Jean le Baptiseur avait été ressuscité (Mt 14.1; Mc 6.14; Lc 9.7). Il essaya de ruser pour éloigner Jésus de son territoire: Jésus le qualifia de « renard » (Lc 13.32n). Ce fut à cet Hérode que Pilate renvoya Jésus au moment du procès (Lc 23.7-12,15). Caligula l’exila à Lugdunum Convenarum (« Lyon » en Aquitaine, aujourd’hui St-Bertrand de Comminges, dans les Pyrénées).

 

 

4. Hérode Philippe II

Le dernier-né des fils d’Hérode, il fut tétrarque sur les quatre districts du nord du royaume de son père: l’Iturée (suivant Lc 3.1), la Batanée, la Gaulanitide (le Golân) et la Trachonitide. Il restera en place jusqu’en l’an 36. Lorsque Philippe fit de Panias sa résidence, après qu'il l’eut agrandie et embellie, il en changea le nom, en 3 av. J.-C., pour la dédier à César. D’où l’appellation qui lui est restée: Césarée de Philippe. Tout près de là Jésus fut la première fois reconnu comme le messie (Mt 16.13-20; Mc 8.27-30). Sur ses vieux jours, Philippe II épousa sa demi-nièce, Salomé II, celle qui, encore enfant, dansa devant Antipas et fut l’instrument de la vengeance d’Hérodiade, sa mère, contre Jean le Baptiseur. Le nom de Salomé n’est connu que par l’histoire profane, car Matthieu (14.3ss) le tait et Marc semble appeler la fille d’Hérodiade du même nom que sa mère (6.22ns; voir aussi Est 5.3). On sait assez peu de choses de ce roi, sinon qu'il fut débonnaire et juste. Il mourut sans enfants après 37 années de règne.

 

 

5. Hérode Agrippa Ier

Par la décision de l’empereur Caligulaqui le connaissait depuis sa jeunesse romaine, il reçut en partage les territoires autrefois échus à son oncle Philippe II. Ayant, semble-t-il, pris une part déterminante dans l’avènement de l’empereur Claudeaprès la mort violente de Caligula, il se vit gratifier des domaines de l’ancienne tétrarchie d’Antipas: la Samarie, la Judée, l’Idumée, et aussi l’Abilène (Lc 3.1). Très pieux, il était adulé des pharisiens. Le Talmud* raconte qu’à la fête des Huttes (ou des Tentes) en 41, il eut, selon la coutume, à lire publiquement le Deutéronome. Parvenu à Deutéronome 17.15 (tu placeras à ta tête un roi d’entre tes frères ; tu ne pourras pas avoir à ta tête un étranger qui ne soit pas ton frère), il fondit en larmes, pensant que ce texte le visait personnellement. Mais le peuple cria: « Ne te désole pas, Agrippa. Tu es notre frère ! » Sa politique à l’encontre de la jeune Eglise chrétienne, avec la liquidation du trop influent Jacques de Jérusalem et l’arrestation de Pierre, s’inscrit dans le droit fil de cette bonne entente avec les milieux juifs conservateurs (Ac 12.1-23). En 44, il mourut, dans des circonstances dramatiques connues du livre des Actes (12.21-23) et rapportées aussi par Josèphe. A noter que le Nouveau Testament l’appelle toujours « Hérode ».

 

 

6. Hérode Agrippa II

Il avait 7 ans et se trouvait à Rome quand survint la mort de son père, Hérode Agrippa Ier. En 53, âgé de 20 ans, il se voit attribuer le petit royaume libanais de Chalcis, qui avait appartenu successivement à deux de ses oncles; puis la tétrarchie de Philippe, l’Abilène de Lysanias et le territoire précédemment géré par le légat Varus. Finalement Néron y ajouta la Galilée et la Pérée, si bien que son royaume fut presque aussi vaste que celui d’Hérode le Grand. Le peuple ne l’aima pas: calomnie et médisances coururent sur sa vie privée et celle de ses proches. Pourtant, selon les Actes (24.24—26.32), lui-même et ses deux sœurs, Drusille et Bérénice, rencontrèrent Paul à Césarée, à l’occasion de la passation des pouvoirs entre l’ancien gouverneur Félix et son successeur Festus. La discussion théologique alla bon train, au point qu’Agrippa II rendit justice à la pertinence des arguments de l’apôtre; mais l’affaire s’arrêta là.

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