g.

grâce

La notion de grâce, très présente dans le Nouveau Testament (voir ci-dessous), l’est de façon plus diffuse dans l’Ancien Testament. Le terme hén, d’un emploi plus courant que théologique, évoque la faveur; on le retrouve notamment dans l’hébraïsme trouver grâce aux yeux de quelqu’un (c.-à-d. « obtenir, avoir sa faveur »; Gn 6.8; 39.21; cf. Ex 3.21; 33.12), qui revient en particulier dans plusieurs formules de politesse (cf. Gn 33.15n). Il signifie quelquefois grâce au sens de charme (Pr 3.22; 11.16). Toutefois le verbe correspondant, hnn, souvent traduit par faire grâce (Gn 43.29; Ex 33.19; Nb 6.25; 2R 13.23; Es 27.11; 30.18s; 33.2; Ps 4.2+), évoque d’une façon générale les bienfaitsgénéreux de Dieu (Gn 33.5,11; cf. Ps 112.5; Pr 14.31+) et plus particulièrement le pardondu Dieu clément (qualificatif apparenté en Ex 34.6; Jon 4.2; Ps 86.15; 103.8; 111.4; 116.5; 145.8; Né 9.17,31; 2Ch 30.9; cf. Ex 22.26; Ps 112.4n), qui renonce à infliger un juste châtiment dans toute sa rigueur (2S 12.22; Am 5.15; Jb 33.24; comparer avec Dt 7.2; 28.50; Jg 21.22; Ps 109.12; 112.5; Jb 19.21). D’autres formes de la même racine évoquent, réciproquement, la supplication ou demande de grâce adressée à l’homme (Gn 42.21) ou à Dieu (1R 8.28ss; Ps 30.9; 142.2; Dn 9.20).

 

Un autre mot hébreu, hésed,l’un des termes-clefs de l’Ancien Testament, a quelquefois été traduit par « grâce » (LXX* l’a surtout rendu par le grec éléos, que nous traduisons compassion dans le Nouveau Testament). Dans quelques textes il a un sens de « charme » très proche de hén (éclat Es 40.6, faveur Est 2.9,17). Son emploi dans les contextes de relations humaines indique cependant qu’à l’origine il s’agit moins de « grâce », aux différents sens où nous l’entendons, que d’une attitude de fidélitéou de solidarité durables dans le cadre d’un lien social, familial ou politique (Jg 8.35; 2S 2.5; 3.8; 16.17; 1R 20.31). Cette solidarité appelle des obligations, reconnues par la morale commune au même titre que le droit et la justice (noter l’association des termes en Es 16.5; Os 12.7), même si elles ne sont pas énoncées de façon formelle comme dans l’alliance* (la hésed est associée à l’alliance Dt 7.9,12; 1R 8.23; Es 55.3: elle est un préalable à l’alliance en Gn 21.23, elle en est une conséquence attendue en 1S 20.8,14s). Les obligations sont évidemment différentes pour le supérieuret pour l’inférieur(celui-ci sert celui-là, celui-là protège celui-ci). Il n’est donc pas étonnant qu’en contexte religieux la fidélité de Dieune soit pas exactement comparable à celle de ses fidèles (hasidim, terme apparenté à hésed, Dt 33.8; 1S 2.9; Ps 12.2 etc.), même si demeure souvent l’élément de réciprocitéqui est essentiel dans les relations humaines (2S 22.26; cf. Gn 21.23; 40.14; Jos 2.12,14).

 

Cependant, dans un grand nombre de textes, en particulier de louange, le caractère relationnel de la hésed de Dieu passe à l’arrière-plan. Il s’agit désormais d’une qualitépersonnelle de Dieu, qui est grand par la fidélité (Ex 34.6s; Ps 86.15), qui agit avec fidélité(Gn 24.12; Ex 20.6; Dt 5.10; Jr 9.23; 32.18) et qui y prend plaisir (Mi 7.18). Dans de tels contextes, la fidélité de Dieu est inséparablement liée à sa loyauté (de l’hébreu ’émeth qui peut aussi, parfois, se traduire par vérité ; Ps 25.10; 26.3; 40.11; 57.4,11; 61.8; 69.14; 85.11; 89.15; 115.1). Cet attribut de Dieu en soi précède et surplombe, en tant que tel, sa manifestation dans les relations de Dieu avec les hommes ; il justifie sa compassion (Ps 25.6) et son pardon(noter l’association de hnn, faire grâce, et de hsd, fidélité, en Ps 51.3). On remarquera que dans les mêmes textes, paradoxalement, la hésed, comme d’autres qualités, tend à se personnifieret à se dissocier de Dieu, qui désormais l’envoie (p. ex. Ps 57.4), la fait agir de façon quasi autonome. Dans le Nouveau Testament, le grec kharis, apparenté au vocabulaire de la joie et régulièrement traduit par grâce, reprend des usages des termes hébreux hén et hésed (cf. Lc 1.30). C’est surtout sous la plume de Paulqu’il devient un terme théologique extrêmement important (Rm 3.23s; 4.1ss; 5.15ss). L’accent porte sur le caractère immérité et libre de la grâce révélée en Jésus-Christ, qui s’oppose désormais à la pratique des œuvres de la loi comme mode de relation à Dieu (Rm 6.14s; 11.6; Ga 2.21; 5.4) et qui triomphe du péché (Rm 5.20s; cf. v. 10,15; 8.3s). La seule réponse à la grâce de Dieu est la foi de l’homme (Rm 4.14ss).

 

Autour de ce noyau, on trouve aussi chez Paul des usages particuliers du terme qui se rapportent à divers aspects de son ministère (1Co 3.10; cf. 2Co 8.1). L’ensemble du Nouveau Testament emploie le terme kharisdans des sens assez généraux, quoique presque toujours théologiques. Ainsi la grâce devient-elle synonyme de l’ensemble du messagechrétien ou de l’œuvre salvatricede Dieu, telle que la perçoivent les chrétiens (Ac 11.23; 13.43; 15.11; 20.24,32; Col 1.6). On notera son emploi dans les formules liturgiques, et notamment celles qui apparaissent au début ou à la fin des lettres apostoliques (Rm 1.7; 1Co 1.3; Ga 1.3; 1Th 5.28 etc.).

 

Du terme kharis vient directement kharisma, qui a donné notre mot « charisme ». Il évoque parfois, d’une façon assez générale, un don ou une œuvre de la grâce (Rm 6.23; cf. 1.11n). Mais il se spécialise aussi pour désigner les phénomènes extraordinaires qui accompagnent l’expérience de l’Esprit saint(voir 1Co 1.7n; 12.4nss). Peut-être les auteurs du Nouveau Testament, Paul notamment (mais voir aussi 1P 4.10), utilisent-ils plus volontiers ce terme que le vocable plus spécifique pneumatika (expériences de l’Esprit, 1Co 12.1n; 14.1n), pour replacer ces dons « surnaturels » dont quelques « spirituels » pourraient se targuer (cf. 1Co 14.37) dans la perspective de la grâce dont tous les chrétiens bénéficient par Jésus-Christ.

 

Une autre famille de termes dérivés de kharis est celle du verbe eukharisteo, qui a donné notre mot « eucharistie » et qui fournit les mots traduits par rendre grâce, action de grâces, etc. Elle évoque plus particulièrement la gratitude et le remerciement, dans des contextes ordinaires comme dans des contextes théologiques. Son emploi liturgique est lié à la pratique juive et chrétienne consistant à rendre grâce à Dieu pour un repas; dans ce sens l’expression est à peu près synonyme de bénir ou prononcer la bénédiction* (pour le repas), comme en témoignent les variantes des évangiles sur la multiplication des pains ou le dernier repas du Christ (comparer Mc 8.6//, Lc 22.19 et Jn 6.11 avec Mc 6.41//; 14.22//).

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