Eléazar devant Antiochus
1Siégeant avec ses conseillers sur un lieu élevé et entouré de ses soldats qui se tenaient en armes, le tyran Antiochus 2ordonna à ses gardes d'amener chacun des Hébreux et de les forcer à manger de la viande de porc et des mets sacrifiés aux idoles ; 3si certains refusaient de manger des aliments impurs, ils seraient mis à mort, livrés au supplice de la roue. 4Beaucoup furent arrêtés et le premier de la troupe, un homme du nom d'Eléazar, fut amené devant Antiochus ; il était prêtre par descendance, expert dans la connaissance de la Loi, avancé en âge et connu, en raison de son âge, de plusieurs personnes de la cour du tyran.
5En le voyant, Antiochus dit : 6« Avant qu'on commence à te torturer, vieillard, moi, je voudrais te conseiller de manger de la viande de porc et ainsi de te sauver. 7Je respecte ton âge et les cheveux blancs que tu as depuis si longtemps, mais puisque tu observes les pratiques des Juifs, tu ne me sembles pas être un philosophe. 8Pourquoi as-tu horreur de manger l'excellente chair de cet animal, dont la nature nous a fait don ? 9C'est déraisonnable, en effet, de ne pas jouir de plaisirs innocents et c'est une injustice de rejeter les dons de la nature. 10Tu me parais te comporter de manière encore plus déraisonnable, si, en plus de tes opinions erronées sur la vérité, tu me méprises aussi au prix de ton propre châtiment. 11Ne vas-tu pas te réveiller des niaiseries de votre philosophie et délaisser le radotage de vos raisonnements ? Avec une pensée digne de ton âge, ne vas-tu pas adopter la vraie philosophie de l'intérêt ? 12Ne vas-tu pas saluer mon exhortation bienveillante et avoir pitié de ta vieillesse ? 13Pense, en effet, que même s'il existe une puissance qui veille sur vos pratiques, elle te pardonnerait toute transgression prise sous la contrainte. »
14Le tyran l'ayant obligé de cette manière à manger de la viande défendue, Eléazar demanda la parole. 15Ayant obtenu l'autorisation de parler, il commença ainsi son discours : 16« O Antiochus, convaincus de vivre selon une Loi divine, nous pensons qu'il n'existe aucune contrainte plus forte que celle de l'obéissance à notre Loi. 17C'est pourquoi nous jugeons digne de ne la transgresser en aucune manière. 18Même si, comme tu le supposes, notre Loi n'était pas véritablement divine, et si nous seuls l'estimions divine, il ne nous serait toujours pas permis de renoncer à notre opinion de la piété. 19Ne crois pas que ce serait une faute légère si nous mangions des aliments impurs, 20car transgresser la Loi par de petites et de grandes fautes, est également grave : 21dans l'un et l'autre cas, la Loi est méprisée tout pareillement. 22Tu te moques de notre philosophie, comme si, grâce à elle, nous ne vivions pas selon la raison. 23Elle nous enseigne pourtant la tempérance qui nous fait commander à tous les désirs et à tous les plaisirs, et elle nous exerce au courage de sorte que nous endurons volontairement toute douleur ; 24elle nous éduque à la justice de façon à pratiquer l'équité dans nos comportements quelles que soient nos dispositions ; elle nous enseigne la piété de façon à honorer magnifiquement le seul Dieu qui existe. 25C'est pourquoi nous ne mangeons pas d'aliments impurs, car, croyant que Dieu a établi la Loi, nous savons que le Créateur du monde, en nous donnant cette Loi, la conforme à notre nature. 26Ce qui est approprié à nos âmes, il nous a permis de le manger, mais ce qui leur est contraire, il nous l'a interdit. 27C'est tyrannique de nous contraindre non seulement à transgresser la Loi, mais aussi à manger de ces aliments impurs que nous abhorrons pour te moquer de nous. 28Mais de ce rire-là tu ne riras pas à mes dépens, 29et je ne violerai pas les serments sacrés de mes ancêtres qui ont juré de garder la Loi, 30pas même si tu m'arraches les yeux et brûles mes entrailles. 31Je ne suis pas si vieux ni si lâche pour que ma raison ne soit plus dans la force de sa jeunesse pour la cause de la piété. 32En vue de ceci prépare les roues et attise le feu plus intensément. 33Je n'aurai pas pitié de ma vieillesse au point d'abolir par moi-même la Loi de mes pères. 34O Loi qui m'éduques, jamais je ne mentirai ni ne t'abjurerai, j'aime ta tempérance ! 35O raison philosophe, je ne rougirai pas de toi ! Honorable sacerdoce et connaissance de la Loi, je ne vous renierai pas ! 36Tu ne souilleras pas ma bouche de vieillard vénérable, ni toutes ces années d'une vie conforme à la Loi. 37Mes pères m'accueilleront pur, moi qui n'ai pas redouté tes contraintes même jusqu'à la mort. 38Tu exerceras ta tyrannie sur les impies, mais tu ne te rendras pas maître de mes pensées en faveur de la piété, ni par tes paroles, ni par tes actes. »