Alliance biblique française

Servir ceux que le monde oublie

La Bible en prison : libérer l'espérance

L’intérêt du pasteur Patrice Rolin pour le ministère biblique en prison remonte aux tout débuts de son ministère pastoral, au milieu des années 1980.
 
« Dans ma première paroisse, où j’ai été pasteur entre 1984 et 1992, nous avons accueilli la Maison d’arrêt, qui allait ouvrir en 1991, raconte-t-il. Dans le presbytère, où j’habitais avec ma famille, il y avait trois studios de réinsertion de sortants de prison. Ça faisait des gars pour garder mes enfants ! Il y en a un qui m’a un peu cambriolé, mais il a tout rendu après, c’était bien ! »
 
Une prison sortie des plaines à betteraves
 
Avec d’autres, Patrice a créé à cette époque une association d’accueil des familles des prisonniers : « C’était à Villepinte, en Seine-Saint-Denis, dans une prison qui est sortie des plaines à betteraves, et il n’y avait rien », explique-t-il.
 
Dans la Maison d’arrêt, des Sud-Américains hispanophones et catholiques demandaient des messes. Cela tombait bien car l’aumônier catholique parlait espagnol. Et puis il y avait des Africains anglophones, d’origine protestante, qui demandaient des études bibliques et, comme Patrice parle anglais, il a animé des études bibliques en anglais avec eux, régulièrement, pendant sept ans.
 
Une expérience fondatrice
 
« J’étais en DEA pour mon doctorat de Nouveau Testament sur Marc. J’avais pensé étudier Marc avec eux, mais ils en ont décidé autrement… Ils s’appelaient tous par le nombre de grammes de drogue qu’ils avaient sur eux quand ils avaient été arrêtés à Roissy. Si tu t’appelais “100 g”, ce n’était pas beaucoup. Mais “3 kg” était très respecté. Et alors ça doit être “3 kg” qui m’a dit : “Non, on veut travailler sur l’Apocalypse”.
 
« L’Apocalypse ! En anglais, avec des gens dont certains n’avaient pas accès à la lecture ! J’ai essayé de résister mais non, ils voulaient travailler l’Apocalypse. A un moment, je me suis dit : “C’est leur seule liberté, de choisir le thème !” Donc on a étudié l’Apocalypse. »
 
En synchronie
 
Et Patrice a été étonné par la compréhension qu’ils ont eue de ce texte. Pour ces détenus qui avaient été arrêtés à leur descente de l’avion, qui n’avaient rien connu d’autre que leur village en Afrique et cette prison, tout chancelait, et ils étaient en synchronie avec l’Apocalypse, avec ses paroles adressées à une communauté dont le monde s’effondre.
 
« Il était évident pour eux que c’était une parole qui aide à résister dans une situation d’effondrement du monde, et une parole d’espérance, ajoute-t-il. Leur position existentielle, qui résonnait avec la position existentielle de l’auteur de l’Apocalypse et de ses destinataires, faisait qu’ils n’avaient pas besoin de tout l’arrière-plan culturel qu’il faut parfois injecter – l’Empire romain, l’apocalyptique juive, etc. – quand on est dans un milieu de gens libres et bien insérés. »
 
 
Une soif de lecture
Si pour Patrice l’animation biblique en prison est un aspect crucial du ministère parmi les détenus, il est tout aussi important d’aider les détenus dans leur lecture personnelle et individuelle, d’autant que les détenus ont souvent une soif spirituelle, et, plus généralement, une soif de lecture.
 
Actuellement, l’Alliance biblique française (ABF) soutient le ministère des aumôniers en leur fournissant des bibles pour les détenus. Ses échanges avec les aumôniers ou des personnes qui, comme Patrice, ont ou ont eu un ministère en détention, lui a fait prendre conscience de la nécessité d’aller plus loin.
 
Libérer l’espérance et comprendre la Parole
 
« Nous sommes en train de concevoir un nouveau projet, intitulé “La Bible en prison : libérer l’espérance et comprendre la Parole”, explique Jeanne-Marie de Lépine, responsable de la collecte de fonds à l’ABF. D’une part, nous souhaitons poursuivre le partenariat existant avec les aumôniers, en leur offrant des bibles Parole de Vie [en français facile] ou des bibles en langues étrangères, pour les détenus qui les leur demanderont. Remettre une bible, c’est potentiellement libérer l’espérance chez le détenu.
 
« D’autre part, à partir de fin 2012 – début 2013, nous voulons initier un nouveau partenariat en lien avec notre métier de concepteurs de produits bibliques : nous mettrons au point, avec des représentants des aumôneries de prison, une brochure de première découverte, ainsi qu’un guide d’aide à la lecture de la Bible, qui pourront être offerts aux détenus pour leur permettre de comprendre la Parole. »
 
L’ABF espère ainsi répondre à un besoin d’accompagnement des lecteurs en détention, et d’explication des textes bibliques. Ainsi, même en l’absence de l’aumônier, chaque détenu bénéficiaire du projet pourra chercher des réponses à ses questionnements existentiels ou trouver le réconfort d’un texte biblique.
 
« Le livre lit ta vie »
 
« Quand tu lis la Bible, le livre lit ta vie, souligne Patrice Rolin. C’est toute la thématique de l’identification au personnage. C’est une excellente entrée dans les textes, à la fois pour des gens libres et des gens pas libres : Où est-ce que je me positionne ? Où suis-je dans l’histoire ? Où en suis-je dans ma vie ? Pour les détenus cela amène l’idée que le livre, la Bible, parle de toi, mais pas comme une affirmation plaquée, comme un constat, une évidence. »
 
Il est donc crucial de choisir des thématiques qui entrent en résonance existentielle avec leur positionnement. Alors… quels thèmes aborder dans une brochure d’initiation à la Bible destinée aux détenus ?
 
Une paternité positive
 
Début juin 2012, lors des ateliers qu’il a animés pour la Conférence de l’IPCA (International Prison Chaplains Association – rassemblement des aumôniers de prison européens), Richard Rohr, un franciscain américain, expliquait qu’il n’avait jamais rencontré en prison quelqu’un qui ait côtoyé dans sa vie une autorité paternelle aimante ou bienveillante.
 
« Il n’y a que des histoires de pères déficients, qu’ils soient abusifs, hyper présents ou absents… et du coup, cela intègre tous les milieux, reprend Patrice. Il me semble que, dans une sélection de textes destinés aux détenus, il est essentiel qu’il y ait des thèmes autour de la restauration d’une paternité, ou d’une maternité d’ailleurs, positive. »
 
 
Pardon et liberté
 
Richard Rohr a également abordé la question du pardon, avec prise en compte de l’histoire personnelle. Il a parlé de liberté aussi, et de « trouver en soi l’espace de liberté et de contemplation » : comment restaurer une liberté intérieure en dépit des murs de la prison ?
 
« Naomi Buick, qui est aumônier dans une maison d’arrêt pour femmes, m’a demandé une thématique sur les femmes de la Bible, nous dit Patrice. Un thème comme celui-là pourrait être intéressant aussi pour les détenus hommes, car, pour beaucoup, il est nécessaire de restaurer l’image de la femme.
 
« En tout cas, il faut privilégier les textes bibliques qui racontent un itinéraire de vie, comme Jonas par exemple – Jonas dans son poisson descendu au bas du bas du bas. Il est plus facile de s’identifier à un parcours de vie. La réflexion vient juste d’être engagée. Il ne fait pas de doute que l’équipe d’aumôniers qui se met en place actuellement pour la préparation de ce matériel biblique apportera de nombreuses autres idées.
 
Une œuvre sans frontières
 
« Même si les conditions de détention font souvent l’objet d’articles ou de reportages dans les médias, et si la vie des détenus est souvent représentée dans des films de fiction, le parcours très difficile et très personnel que vit chacun d’entre eux au moment où il est confronté à sa peine nous échappe, nous dit Jeanne-Marie de Lépine. Seuls les aumôniers, qui vont en cellule et recueillent les confidences des détenus, peuvent nous faire percevoir leur état d’esprit.
 
« Nos projets en lien avec la prison représentent pour l’ABF une façon de servir, sur le long terme et en partenariat interconfessionnel avec les Eglises, ceux que le monde oublie. Et, en aidant les aumôniers et les détenus, nous rejoignons l’œuvre de nos collègues d’autres Sociétés et Alliances bibliques qui, dans des pays aussi différents que l’Ukraine, l’Australie ou Haïti, mettent leur énergie au service de cette cause. Il n’est pas impossible d’ailleurs que certains souhaitent par la suite traduire et adapter le matériel que nous préparons afin de l’utiliser dans leur propre pays. »
 
© Alliance Biblique Universelle juin 2012, tous droits réservés

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