Traduction

La traduction, un véritable défi

Plusieurs fois par an, Marijke prend l’avion à destination d’Istanbul, de Moscou ou de Bichkek (Kirghizistan). Elle est l’un des conseillers en traduction de plan mondial de l’Alliance biblique universelle. Pour nous présenter un des chantiers dans lequel elle intervient actuellement en Asie centrale, elle nous emmène virtuellement avec elle lors d’un voyage au Kirghizistan. Elle y rencontre deux fois par an l’équipe qui travaille sur le projet Tukar (nom de code employé pour parler de l’un de ses chantiers confidentiels). Il s’agit d’un projet initié par l’Institute for Bible Translation (IBT) de Moscou et auquel se sont jointes par la suite la SIL et l’ABU. Il bénéficie du soutien financier notamment de la Société biblique néerlandaise.

« Je rencontre les traducteurs deux fois par an, explique Marijke. Les contacts par Skype sont impossibles et les échanges de mails sont limités. Et comme il est tout aussi impossible de nous rencontrer à l’intérieur du pays, l’équipe se retrouve à Bichkek, la capitale du Kirghizistan voisin. Le stalinisme est toujours aussi présent en Asie centrale, et la religion est contrôlée de près par les autorités. La liberté de culte n’existe pas. Alors que l’horizon avait semblé s’éclaircir après la chute de l’Union soviétique, et que le christianisme semblait prospérer, la situation a changé rapidement à partir de l’année 2000. Les Eglises ont été fermées et on a commencé à harceler les chrétiens : un véritable Ouzbek, Turkmène, Kazakh ou Karakalpak se doit d’être musulman et non chrétien. Mais malgré la persécution menée par les autorités, il existe encore des Eglises. Une infime minorité de Tukars sont chrétiens. Or, les pasteurs de ces Eglises ont demandé une traduction. Et en dépit des difficultés, deux traducteurs ont décidé de se consacrer à la traduction de l’Ancien Testament.

Ils travaillent tous les deux à domicile. Pour des raisons de sécurité, ils communiquent à peine entre eux. Il leur arrive de se rencontrer dans un lieu public pour échanger des fichiers. En 2014, leurs domiciles ont été fouillés à deux reprises par le KGB, la police secrète. Cette expérience les a profondément perturbés, ainsi que leurs familles. Ils travaillent sur ParaTExt, un programme informatique utilisé par la quasi-totalité des traducteurs de la Bible. Le logiciel se trouve sur un lecteur caché placé dans leur ordinateur portable. Ce programme leur permet de saisir leur traduction et de la comparer avec toute une série de traductions existant dans des langues de la région, mais à part cela ils n’ont accès à aucune autre ressource. Il leur est interdit d’avoir plus d’un livre religieux chez eux, il n’y a aucune littérature chrétienne dans les bibliothèques, et les sites Internet chrétiens sont systématiquement fermés – de toute façon, le recours à Internet est risqué, car le réseau est surveillé par la police secrète. Comme il n’existe aucun cours d’hébreu et de grec dans leur pays, ils travaillent surtout à partir de traductions existantes. Ils sont toutefois en contact avec des exégètes de la SIL, qui les aident dans leur travail de traduction. Cela se fait principalement par e-mail. « Le peu de documents auxquels ils ont accès en russe, nous les scannons et les stockons sur le lecteur caché qu’ils ont sur leurs portables. C’est le maximum que nous puissions faire », explique Marijke.

Deux fois par an a lieu une rencontre de tous les membres de l’équipe. Marijke : « Il y a deux traducteurs Tukars, un vérificateur exégétique norvégien et deux coréens, un coordinateur de projet russe et un conseiller néerlandais. Nous sommes tous de milieux culturels très différents, mais nous avons un seul et même objectif : produire une traduction Tukar de bonne qualité. Nous passons la semaine ensemble à examiner les textes et à discuter de toutes sortes de problèmes de traduction : que faire avec les métaphores, comment traiter les images ou les différences d’ordre culturel, comment résoudre les problèmes textuels ou exégétiques ? Les traducteurs sont obligés de jongler avec la langue, parce que la structure élémentaire de leur langue est exactement à l’opposé de l’hébreu. J’admire leur ingéniosité. »

Une fois par an, les exégètes organisent une conférence de lecture, qui a lieu elle aussi dans un pays voisin. Une trentaine de personnes se réunissent et font une lecture systématique d’un certain nombre de livres. Ils lisent à haute voix les textes traduits, en discutent ensemble et chacun donne son avis. Mais ils discutent également de la signification des textes par rapport à leur vie personnelle. C’est souvent seulement lors de la conférence de lecture que les gens découvrent qui sont leurs frères et sœurs : des gens qu’ils croisent chez eux au marché du coin, mais dont ils ignoraient totalement qu’ils étaient chrétiens comme eux.

Ces réunions d’équipe ne sont pas seulement destinées à la vérification des textes. Elles servent également à écouter les traducteurs raconter leur histoire, à en savoir un peu plus sur leurs familles et à mieux comprendre leur situation personnelle. Il est vraiment important de partager des repas, de prier ensemble et de passer plus généralement de bons moments. Les traducteurs travaillent dur et n’ont pas une vie facile ; c’est pourquoi ces rencontres n’ont pas seulement pour but de produire des textes : elles sont également des moments de partage et de communion fraternelle.

Et Marijke de résumer : « Même si cette traduction ne se retrouve entre les mains que d’une minorité de Tukars, nous savons que le jeu en vaut largement la chandelle. Nous savons que cela réconforte les communautés minuscules et vulnérables, que cela les encourage dans les situations difficiles. Cela devrait suffire à inciter les chrétiens de l’Occident libre à soutenir de tels projets. »

Principes directeurs de l’ABU en matière de traduction :

  • Chaque Société biblique détermine les priorités en matière de traduction pour son propre pays plutôt que de suivre un ordre du jour imposé de l’extérieur. Pour cela, elles travaillent en consultation avec les Eglises qu’elles servent et suivent un ensemble de principes de traduction
  • Nous accordons une forte priorité à la traduction de la Bible complète
  • Traditionnellement, nous nous concentrons sur des langues parlées par plus de 50 000 personnes. Nous faisons des exceptions lorsque nous pouvons contribuer à la sauvegarde et au renforcement de la vitalité de langues indigènes
  • Nous nous efforçons de traduire les Ecritures en utilisant les textes de référence hébreux et grecs
    Nous mettons en place des équipes de traduction composées de linguistes, d’exégètes et de traducteurs travaillant dans leur langue maternelle
  • Nous nous efforçons d’être au service de toutes les Eglises chrétiennes et nous avons développé des partenariats de confiance avec les Eglises protestantes, catholiques et orthodoxes
  • En général, nous ne commençons une traduction que lorsque celle-ci a été demandée par les Eglises locales, et nous prenons soin d’inscrire ces relations dans la durée une fois la traduction achevée
  • Nous partageons notre expertise dans le cadre de partenariats avec d’autres associations de traduction

© Alliance biblique universelle

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