b.

bénédiction, malédiction 

Dans le monde de la Bible, bénédiction (hébreu brk; grec eulogeo — d’où vient notre mot « éloge » — et dérivés) et malédiction (hébreu ’rr, qll, ’lh, etc.; grec ara, et dérivés), fréquemment opposées l’une à l’autre (Dt 11.26ss; 30.15ss; Ps 109.17; Jc 3.9s), sont d’abord une parole,positive ou négative, chargée en tout cas d’une certaine puissanceet suivie, de façon plus ou moins irréversible (d’où le succès du stratagème de Jacob, Gn 27.33ss; comparer Nb 22.6 et Pr 26.2), d’effetsheureux ou malheureux. Par extension, bénédiction et malédiction peuvent désigner le bonheur et le malheur eux-mêmes, supposés causés par une telle parole, ou au moins par une décision divine (Dt 28.20; Ml 2.2; 3.9; Pr 3.33; 28.27). Un bonheur ou un malheur concrets peuvent d’ailleurs servir de références pour de nouvelles paroles de bénédiction ou de malédiction. Ainsi l’expression biblique se bénir en quelqu’un signifie d’abord, selon toute vraisemblance, prendre le bonheur de cette personne comme modèle de ce que l’on souhaite (Jr 4.2; Ps 72.17; cf. Gn 12.3n; 22.18; 26.4); et devenir un sujet de malédiction (litt. « une malédiction »),c’est au contraire avoir un sort si terrible qu’il servira d’exemple pour maudire (Jr 29.18; 42.18; 44.12; cf. 29.22; Ps 83.12).

 

Dans un sens plus large encore, le mot beraka, qui signifie souvent « bénédiction », peut s’appliquer à un bienfait, notamment un présent, sans référence à une parole spécifique (Gn 33.11n; Jos 15.19n; Jg 1.15n; 1S 25.27n; 30.26; 2R 5.15n; cf. l’arabe baraka, qui a pris en argot français le sens de « chance »; on retrouve une trace du sens « présent » en 2Co 9.5ns). En 2R 18.31n//, il pourrait désigner un « traité de paix » ou un « acte de capitulation », peut-être en rapport avec un autre sens de la même racine (ou un homonyme), « s’agenouiller » (cf. le verbe « baraquer », en parlant des chameaux, Gn 24.11). Dans l’Ancien Testament, on bénit souvent quelqu’un pour le saluer, auquel cas la bénédiction n’est généralement pas beaucoup plus qu’un souhait de bonheur (Gn 47.7,10; 1S 13.10; 15.13; 2S 8.10n; 13.25; 19.40; 2R 4.29; 10.15; Pr 27.14; voir aussi paix*). Une telle bénédiction est particulièrement opportune dans certaines circonstances, comme un mariage (Gn 24.60) ou un voyage (Gn 28.6; 32.1). Un inférieur peut bénir un supérieur; la bénédiction joue alors le rôle d’une formule de politesse et de respect, ou plus spécialement de reconnaissance (2S 14.22; 1R 1.47; 8.66; Jb 29.13; 31.20; Pr 30.11; Rt 2.4,19s; cf. Rt 4.14; Jg 5.24; Né 11.2). Dans un sens analogue l’homme peut bénir Dieu;la bénédiction dans ce cas s’identifie à la louange (Gn 9.26; 24.27,48; Ex 18.10; Dt 8.10; Jg 5.2,9; 1S 25.32,39; 2S 18.28; 1R 1.48; 5.21; 8.15ss,56; 10.9; Ps 16.7+; Rt 4.14; Esd 7.27; Né 9.5; 1Ch 16.36; 29.10; cf. Lc 1.64+). Cette expression de piété peut d’ailleurs être trompeuse (Za 11.5). Au sens fort, la bénédiction au nom* de YHWH, prononcée par un homme de Dieu, prophète* (Nb 22.6,12; 23.11,25s; 24.10) ou prêtre* (Gn 14.19s; Lv 9.22s; Nb 6.23ss; Dt 10.8; 21.5; 1S 2.20; 1Ch 23.13; 2Ch 30.27), est une parole d’autorité (cf. Hé 7.6s), qui va s’accomplir.

 

Dans une certaine mesure il en va de même des bénédictions d’autres personnages importants, en particulier lorsqu’ils sont mourants. Ainsi du pèrede famille (Gn 27.28s; 48.9ss; cf. 24.60; Hé 11.20s; 1 Maccabées*2.69: « Puis il [Mattathias, qui est aussi prêtre] les bénit [ses fils, en particulier Judas Maccabée] et fut réuni à ses pères »; Siracide* 3.8s: « En actes et en paroles, honore ton père, afin que sa bénédiction vienne sur toi; car la bénédiction d’un père affermit la maison de ses enfants, mais la malédiction d’une mère en arrache les fondations »), du roi(2S 6.18ss; 1R 8.14s,55ss; 1Ch 16.2) et d’autres chefsdu peuple (Lv 9.23; Dt 33.1; Jos 14.13; 22.6ss; 1S 9.13). La malédiction répond à des règles analogues, à ceci près qu’elle n’est jamais banale (d’où l’interdiction qui la frappe en Ex 22.27; cf. Ps 10.7; 59.13; 62.5; 109.17s,28; Jb 31.29s). Elle est employée avec efficacité par ceux qui sont en position d’autorité(Gn 9.24s; 27.12s; 49.7; Nb 5.18ss; 22.6,12; 23.7; 24.9; Jos 6.26; 9.23; Jg 5.23; 21.18; 1S 14.24,28; 26.19; 2R 2.24; Né 13.25; voir aussi Jb 3.8n). Mais l’opprimé aussi peut être fondé à maudire (Jr 20.14s; cf. Pr 11.26; 24.24; 28.27; 30.10; Ec 7.21; Siracide* 4.5s: « De l’indigent ne détourne pas ton regard, ne lui donne pas sujet de te maudire. Car s’il te maudit dans l’amertume de son âme, son créateur entendra sa prière »). Le vocabulaire hébreu de la malédiction est plus diversifié que celui de la bénédiction. Maudire rend naturellement la racine ’rr, dès Gn 3.14nss. Mais il peut aussi traduire qll,qui évoque au sens concret la légèreté et s’oppose ainsi à la gloire*, associée à la notion concrète de poids (comparer Ex 20.12, où honorer les parents se dit kbd, et 21.17, où les maudire traduit qll). En conséquence qllcomporte parfois une nuance d’irrespect ou de mépris, quand il évoque une malédiction contre l’autorité et en particulier celle des parents ou celle de Dieu: on est proche ici de la notion de blasphème(Ex 22.27; Lv 20.9; 24.10ss; Dt 27.16; Jg 9.27; 1S 3.13; 2S 16.5ss; 19.22; 1R 2.8; Es 8.21; Ez 22.7; Pr 20.20; 30.11; Ec 10.20). Dans d’autres cas, en revanche, qllne semble pas avoir de nuance particulière: en Gn 12.3nil est employé en parallèle avec ’rr (cf. Gn 27.12s; Lv 19.14; Dt 11.26ss; 21.23; 23.4ss; 27.12s; 28.15,45; 29.26; 30.1,19; Jos 8.34; 24.9; Jg 9.57; 2R 2.24; 22.19; Jr 15.10; 24.9; 25.18; 26.6; 29.22; 42.18; 44.8,12,22; Za 8.13; Ps 62.5; 109.17s,28; Jb 3.1; Pr 26.2; 27.14; Pr 30.10; Ec 7.21s; Né 13.25). La malédiction est souvent conditionnelle; c’est une nuance fréquente, mais pas exclusive, de la racine ’lh; en tant que telle elle fait partie intégrante du serment (Gn 24.41; Nb 5.21s; 1S 14.24; Né 10.30) et de l’alliance* (Gn 26.28; Dt 29.11,13s; Ez 17.13; cf. 16.59; 17.16,18): celui qui jure ou qui conclut un pacte s’expose à un châtiment en cas de parjure, soit qu’il mente au moment de sa déclaration ou qu’il trahisse ultérieurement la parole donnée.

 

Parfois le châtiment est expressément appelé par une formule comme Que Dieu me fasse ceci et qu’il y ajoute cela, si... (1S 3.17; 14.44; 20.13; 25.22; 2S 3.9,35; 19.14; 1R 2.23; 19.2; 20.10; 2R 6.31 ; Rt 1.17); c’est probablement un vestige plus discret de cette malédiction conditionnelle qu’on retrouve dans l’introduction elliptique de nombreuses formules de serment (litt. « si » ou « sinon », la condition et ses conséquences étant sous-entendues). Mais la malédiction conditionnelle a plusieurs autres usages. Une malédiction en suspens (cf. l’image de Za 5.3; voir aussi Lm 3.65) est lancée pour ainsi dire « contre X » en cas de délit avéré dont l’auteur n’a pas été identifié (Jg 17.2); elle menace les éventuels témoinsde la faute, adjurés de dire ce qu’ils savent sous peine d’être eux-mêmes maudits comme le coupable (Lv 5.1; Pr 29.24). Elle est prononcée d’avance sur les transgressions potentielles(Dt 28.15ss; 29.18ss; 30.7; 1S 14.24; Es 24.6; Jr 23.10; 29.18; 42.18; 44.12; Ez 16.59; 17.16ss; Dn 9.11; 2Ch 34.24). Ecrite et lavée, dissoute en quelque sorte, dans l’eau qui dès lors la symbolise elle est au cœur de l’ordalie censée confirmer ou infirmer une faute supposée(Nb 5.23; cf. 1R 8.31s//). L’emploi de cette malédiction conditionnelle, moyen de pression considérable sur autrui, est l’objet de bien des abus (Os 4.2; 10.4; Ps 10.7; 59.13; Jb 31.30; cf. Ex 20.7; Ps 24.4). On trouve d’autres synonymes plus rares, propres à des textes particuliers (notamment le récit de Balaam en Nb 22.11,17; 23.7s,11,13,25,27; 24.10; voir aussi Jb 3.8; 5.3; Pr 24.24).

 

On peut aussi, dans certains cas, rapprocher de la malédiction l’anathème (hrm, Ex 22.19; Dt 2.34n; 13.6; Es 43.28; voir saint*, sainteté, sanctification). Dans le Nouveau Testament rien ne semble plus les distinguer (être anathème = « être maudit », Rm 9.3n; 1Co 12.3; 16.22; Ga 1.8s); l’anathème intervient dans une malédiction conditionnelle en Ac 23.12,14,21 (comparer aussi Mc 14.71 avec son parallèle en Mt 26.74, où le mot apparenté katathéma est rendu par malédiction). Signalons enfin une curiosité: parce que la tradition juive évite de faire de Dieul’objet d’une malédiction, il arrive que le texte hébreu, tel qu’il nous a été transmis, porte par convention « bénir » là où le sens est de toute évidence « maudire » (1R 21.10,13; Ps 10.3; Jb 1.5,11; 2.5,9). En marge du vocabulaire de la malédiction, on notera que la formule traditionnellement rendue par « Malheur à... » (dans la présente traduction: Quel malheur pour...!) est une interjection commune, sous des formes diverses, à de nombreuses langues (en hébreu hoï,p. ex. Es 1.4,24; 5.8,11,18; Am 5.18; 6.1 ou ’oï, Es 3.9,11; Os 7.13; 9.12; en grec ouaï, p. ex. Mt 11.21//; 23.13ss//; 26.24//; Lc 6.24ss), qui en fait suggère moins une malédiction qu’une lamentation(cf. hélas!). Dans la perspective monothéiste où s’inscrivent les textes bibliques, c’est Dieului-même qui bénit ou maudit. La bénédiction divine constitue l’un des fils conducteurs de la Genèse, dès les récits des origines (Gn 1.22,28; 2.3; 5.2; 9.1) et tout au long de la saga des patriarches (Gn 12.2-3n; 14.9; 22.17ss; 24.1,19,35; 26.3ss,12,24; 27; 28.1ss; 32.27,30; cf. Ga 3.9).

 

Dès lors, pour les hommes, bénir ou maudire consiste normalement à appeler, de façon plus ou moins explicite et avec plus ou moins d’efficacité, la bénédiction ou la malédiction divine, voire simplement à déclarerquelqu’un ou quelque chose béni ou maudit de Dieu: on peut souvent hésiter, dès Gn 3.14ss, sur la traduction « béni / maudit sois-tu » (sens qui s’impose en Jr 20.14s, à cause du parallélisme qu’il ne soit pas béni où le verbe être, au jussif, est exprimé dans le texte; aussi en 1R 10.9; Pr 5.18; Rt 2.19; et probablement en Gn 27.29; Nb 24.9; 1R 2.45) ou « béni / maudit es-tu ». La bénédiction de Dieu est habituellement synonyme de santé, de fécondité et plus généralement de prospérité(Gn 1.22,28; 5.2; 9.1; 12.2; 13.16; 24.35; 26.12s; Dt 2.7; 11.14s; 14.29; 15.10; 28.1ss; Ez 34.26; Ps 129.8; Jb 1.10; 42.12ss; Rt 4.11s; cf. Lc 1.28,42; 2.34; Hé 6.7s). Elle apparaît souvent comme une récompensede la justice* morale ou de la fidélité religieuse (Ex 23.22ss; Dt 11.26ss; 28. 30.15ss; Jr 17.7; Ps 5.13; 24.4s; 37.26; 109.17; 115.13; Jb 1.10; 42.12; Pr 3.33. 10.6s; 28.20). Symétriquement Dieu peut aussi maudire (’rr, Gn 3.14,17; 4.11; 5.29; Dt 27.15ss; 28.16ss; Jr 11.3; 17.5; Ml 1.14; 2.2; 3.9; Ps 119.21; synonymes en Gn 8.21; Ps 37.22; Jb 24.18). La malédiction, souvent plus précise que la bénédiction, est habituellement motivée par une fauteéthique ou rituelle (Dt 28.20; 2R 22.19; Es 24.5s; Jr 11.3; 17.5; 23.10; 25.18; 26.6; 29.18; 42.18; 44.8,12,22; Ez 16.59; 17.19; Za 5.3; Ml 1.4; 2.2; 3.9; Ps 37.22; 109.17s; 119.21; Jb 5.3; 24.18; Pr 3.33; 28.27; Dn 12.11). La relationentre bénédiction et malédiction est complexe. La bénédictionpeut annuler la malédiction (Ex 12.32; 2S 21.3), et la malédiction la bénédiction (Ml 2.2). Celui qui maudit peut se voir lui-même maudit en conséquence (Gn 12.3; 27.29; Nb 24.9; cf. Ps 10.7ss; 109.16ss), et la malédiction peut être changée en bénédiction (Nb 22—24; Dt 23.6; Jos 24.9s; Né 13.2; cf. 2S 16.12; Ps 109.28). Pour autant que l’une et l’autre sont vues comme récompense et châtiment, il appartient à chacun de choisirentre l’une et l’autre (Dt 11.26ss; 30.15s; cf. 27.15ss; 28.15ss; 29.17ss).

 

Dans le Nouveau Testament, Dieu est souvent « béni » (Lc 1.68; Rm 1.25; 2Co 1.3; 11.31; Ep 1.3; 1P 1.3). Suivant l’usage du judaïsme tardif, le terme « le Béni » peut même suffire à le désigner, pour éviter de le nommer directement (Mc 14.61). Jésusest déclaré béni en Mc 11.9// (citation de Ps 118.26; cf. Mt 23.39//; Lc 1.42,63; 2.34; Ap 5.12s; 7.12). Il bénit les enfants en Mc 10.16//. Il bénit le pain en Mc 6.41//; 8.7//; 14.22//; Lc 24.30 (cf. 1Co 10.16n), ce qui veut peut-être simplement dire, selon l’usage juif, qu’il bénit Dieu (ou lui rend grâce, cf. Mc 8.6s) pour le pain; ou bien encore qu’il demande à Dieu de bénir le pain (cf. 1S 9.13). Ressuscité, il bénit les disciples (Lc 24.50s). Les chrétiens s’estiment bénis par l’œuvre du Christ (Ep 1.3ss,12ss; cf. Ac 2.36; Rm 15.29; Ga 3.6ss; voir aussi Mt 25.34). Bénir devient un des mots-clefs du programme éthique et spirituel du chrétien(Lc 6.28; Rm 12.14; 1Co 4.12; 1P 2.23; 3.9; cf. Jc 3.9s). La malédiction, elle, apparaît essentiellement dans des références à l’Ancien Testament (Rm 3.14; Ga 3.10; cf. Mc 7.10//; Ac 23.5). Dans la bouche des pharisiens*, elle est associée à l’ignorance de la loi* (Jn 7.49). Dans son usage spécifiquement chrétien, elle dit exceptionnellement la condamnation ultime dans la représentation du jugement dernier en Mt 25.41, et elle fait partie de l’arsenal d’invectives contre les maîtres de mensonge en 2P 2.14 (voir aussi Hé 6.8). Cependant elle est normalement exclue pour le chrétien (Lc 6.28; Jc 3.9ss). En fait le message chrétien, tel qu’il apparaît surtout chez Paul, tend à l’abolitionde la malédiction divine (Rm 8.3; cf. Ap 22.3), précisément parce que le Christ a épuisé dans sa propre mort toute malédiction possible (Ga 3.10,13; cf. 2Co 5.21). Cela n’empêche toutefois pas Paul d’appeler l’anathème,comme une sorte de malédiction rhétorique, à l’encontre de ceux qui se sépareraient du Christ (1Co 16.22; Ga 1.8s; cf. Rm 9.3n; 1Co 12.3).

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